Le rôle des facteurs antinutritionnels dans les graines et les légumes
Les légumes et légumineuses constituent une grande partie des régimes alimentaires des humains et des animaux. Ce sont d’importantes sources de protéines, d’acides aminés, de glucides, d’acides gras et de minéraux lorsqu’on les transforme de manière adéquate.
Dès 1917, Osborne et Mendel ont découvert que les graines de soja brutes ne participaient pas à la croissance des rats si elles n’étaient pas cuites. Le fait de nourrir des rats avec du soja brut a entraîné une baisse de croissance et un agrandissement du pancréas.
Déjà en 1947, on avait remarqué que les inhibiteurs de protéinases avaient la capacité d’inhiber la croissance des larves d’insectes. On a aussi observé que les plantes blessées produisent davantage d’inhibiteurs et d’autres antinutriments dans le but de sauvegarder l’espèce. Ces protéines et substances chimiques font donc partie du mécanisme de survie des espèces.
Ces inhibiteurs existent en tant que mécanisme de défense pour protéger les graines et les plantes en dissuadant les insectes, les oiseaux, et les autres prédateurs de les consommer.
Il est bien connu de nos jours que le soja brut, les autres oléagineux, les fruits à coque, et les céréales contiennent des composés appelés « facteurs antinutritionnels ». Les facteurs tels que les inhibiteurs de protéase (inhibiteurs de la trypsine) peuvent interférer avec l’utilisation des protéines s’ils sont ingérés, les lectines entravent l’utilisation des glucides, et le gossypol, dans le coton, peut rendre le fer indisponible. Les facteurs cyanogénétiques, goitrogènes, les alcaloïdes et saponines sont d’autres exemples qui peuvent également créer des interférences dans l’utilisation des protéines.
À la suite de la découverte d’Osborne et Mendel, l’industrie agroalimentaire a fait diverses expérimentations et a mis au point des traitements thermiques commerciaux pour le soja dans le but d’inactiver efficacement ces inhibiteurs. La cuisson par ébullition, le grillage, la micronisation, l’extrusion et la torréfaction comptent parmi les méthodes employées à cette fin.
Certains généticiens et certaines entreprises de culture sélective de plantes ont développé des graines dans lesquelles les facteurs antinutritionnels sont en très faible quantité. Ils justifient ce choix en expliquant que ces nouvelles variétés ne nécessitent pas de traitement thermique et peuvent être consommées sans risque sans être cuites.
Voici mes interrogations :
1. Si nous sommes d’accord sur le fait que le rôle de ces inhibiteurs est d’offrir une protection jusqu’à la germination, alors quelle est la solution pour que ces graines sans inhibiteurs se défendent ?
2. La suppression des inhibiteurs de la trypsine par sélection peut se révéler contre-productive du fait qu’on retire aux graines leur système de défense, mais cela peut aussi réduire la teneur totale en acides aminés soufrés (méthionine et cystine) des protéines, qui est en soi un facteur limitant dans les protéines du soja.
Les protéines de la graine (protéines de réserve du soja par exemple) sans inhibiteurs de protéase, présentent une déficience en méthionine et cystine (acides aminés soufrés). D’autre part, les inhibiteurs de la trypsine sont très riches en acides aminés contenant du soufre : ils peuvent en effet représenter environ 40 % du contenu total en cystine de certaines protéines de légume.
Si c’est bien le cas, ne fabriquons-nous pas des graines déjà carencées en acides aminés soufrés encore plus carencées ? Cela ne nécessite-t-il pas un apport supérieur en méthionine synthétique dans tout régime alimentaire ?
3. J’aimerais voir une justification économique à l’idée que les agriculteurs cultivent et protègent ces graines, et aux affirmations sur le fait que les producteurs économiseront sur le coût de leur formulation de nourriture pour animaux par rapport au soja subissant un traitement thermique.
Pour conclure, je crois profondément que les questions ci-dessus réclament des réponses claires avant qu’on envisage sérieusement l’utilisation de graines sans inhibiteurs.
Références
OSBORNE, T.B. et MENDEL, L.B. 1917. The use of soybeans as food. J. BioI. Chern. 32,369-387.
BOOTH, AN., ROBBINS, D.J., RIBELIN, W.E. et DE EDS, F. 1960. Effect of raw soybean meal and amino acids on pancreatic hypertrophy in rats.